Régulation financière : « ON FERME, DERNIÈRE COMMANDE ! » par François Leclerc

Billet invité.

Sous la férule de Mario Draghi, le Comité de Bâle a mis deux ans, tant le sujet était chaud, pour adopter une nouvelle réglementation à propos de l’évaluation du risque des actifs détenus par les banques qui en prenaient un peu trop visiblement à leur aise.

Il était temps, Donald Trump fourbissant ses armes pour entamer le détricotage de la régulation mise au point au cours de la décennie passée, la fenêtre de tir allait se refermer. Parallèlement, la City se prépare au Brexit, pouvant espérer contrebalancer la réduction de son périmètre d’activité par une plus forte implication dans le shadow banking, contribuant ainsi à sa manière à la dérégulation impulsée par les autorités américaines.

Empêtré, le Comité de Bâle a dû consentir des délais d’application hors norme de sa réforme afin de la faire passer, et il est prévu qu’elle ne prenne son plein effet qu’en 2027, dans dix ans. Ce qui laisse le temps aux banques européennes d’absorber la hausse de leurs fonds propres qui en découlera, et qui est estimée à 12,9% en moyenne (15,2% pour les 12 plus grandes banques.) D’autant que des délais de grâce supplémentaires sont prévisibles, le temps que les législateurs nationaux inscrivent dans la loi ou la réglementation ce qui n’est à ce stade qu’une recommandation. Les autorités locales pourront en outre prendre des mesures pour atténuer l’impact de ces règles durant la période de transition allant jusqu’à 2027.

En substance, les banques pourront continuer à utiliser leurs modèles maison pour évaluer leur risque global, mais le niveau de celui-ci ne pourra pas être inférieur à un seuil plancher de 72,5% de son calcul suivant un modèle standard.

Le Groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire (GHOS), qui supervise le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, avait également demandé il y a deux ans à ce dernier de se pencher sur un sujet encore plus scabreux, aux implications telles qu’il y est procédé avec la plus grande circonspection. Il s’agit de la détermination du risque d’un actif laissé de côté car très particulier, les obligations souveraines, dont les banques sont de grandes détentrices. Mais leur rôle est bien plus vaste dans le système financier au sein duquel elles garantissent les transactions, auquel le système du crédit est de facto indexé, et qui servent d’amortisseur aux chocs. Les obligations souveraines représentent le haut de gamme du collatéral, car considérées comme porteuses d’aucun risque. Mais ce n’est qu’une convention ! Que celle-ci soit remise en question, même du bout des lèvres, reflète une interrogation grandissante sur l’avenir d’un endettement mondial qui ne cesse de croître.

N’étant pas parvenu à un consensus en son sein, le Comité de Bâle s’est contenté de publier un simple document de discussion, et non pas d’entamer une consultation sur un projet réglementaire construit. Une phrase de son executive summary résume tout l’enjeu de la réflexion engagée : « les idées exposées tendent à mettre en balance le risque prudentiel avec d’autres considérations holistiques, dont le mandat d’amélioration de la stabilité financière du Comité ». En termes moins choisis, attention à ne pas se saisir de la banane du dessous de la pile, au risque que celle-ci s’effondre !